L’Avenue qui part du Boulevard du Mono entre le site désaffecté de l’Hôtel de la Paix et l’ancien siège de la Cour constitutionnelle en bordure de l’océan Atlantique, en passant par l’hôpital secondaire de Bè pour croiser le Boulevard Félix Houphouët-Boigny, porte juste son nom. Mais lorsqu’on évoque son souvenir, certains n’ont que cette référence de Pa Augustino de SOUZA. Et les moins de vingt ou trente ans n’en savent rien.
Issu de la bourgeoisie foncière et commerçante afro-brésilienne, Pa Augustino Ezéchiel de Souza avait vu jour le 15 octobre 1877 à Agbodrafo (Porto Seguro) dans l’actuelle Préfecture des Lacs. Fils d’Ezéchiel Manuel de Souza et de Kokoè Apéto Ayi d’Almeida et petit-fils de Don Francisco Félix de Souza « Chacha », riche négociant installé à Aného et fondateur d’une factorerie Deos me adjudos (Dieu m’aide) qui deviendra l’actuel quartier Adjido.
Pa Augustino Ezéchiel de Souza, le futur « Gazozo » (fer chaud) fréquente les écoles allemande et anglaise dans sa ville natale puis à Aného. Pour son entrée dans la vie active, il sert d’abord comme maître-catéchiste tour à tour à Togoville et à Aného avant d’intégrer l’administration de cette époque en qualité d’Agent interprète et de Commissaires des Travaux publics à Mango. Puis, on le verra dans le secteur privé en qualité de chef stock à la Deutsche Togo Gesellschaft (DTG) jusqu’à la fin de la première Guerre Mondiale.
La légende raconte que le petit-fils fut l’un des providentiels héritiers de l’immense fortune laissée par Don Francisco Félix de Souza « Chacha » décédé à Ouidah actuel Bénin en octobre 1849. Ainsi, Augustino Ezéchiel suivra les pas de son ancêtre en développant une importante carrière commerciale tout le long de sa vie.
Ainsi, il s’installa au numéro 18 de l’actuelle Rue de l’Eglise au quartier Adawlato à Lomé en s’offrant par adjudication publique, les domaines fonciers allemands en les transformant en cocoteraie. Un vaste domaine qui sera transformée en quartiers d’habitations, que les populations de Lomé et d’Aného connaissent sous la dénomination de Souza- Nétimé « Cocoteraie de Souza ».
Un féru de politique
Au fil des années, Pa Augustino Ezéchiel de Souza fit fortune à partir de sa compagnie import-export qui commercialisait les dérivées de ses immenses palmeraies près d’Aného et dans la région de Lomé. Il était à l’époque un « Crésus », la plus grande fortune togolaise d’avant l’indépendance. Et lorsque les colons français eurent l’idée de créer un Conseil des Notables pour impliquer l’embryon de la bourgeoisie locale dans la gestion des affaires publiques, ce fut le commerçant- planteur Pa Augustino Ezéchiel de Souza qui en avait joué le rôle de président, aux côtés d’autres notables, Jacob Adjallé, Octaviano Olympio (oncle de Sylvanus Olympio, futur président de la République Togolaise), Thimoty Agbétsiafan…
A la fin de deuxième Guerre Mondiale, Pa Augustino Ezéchiel de Souza s’était investi corps et âme dans les divers mouvements ayant combattu pour l’unification des Ewés sous une seule administration coloniale. Il aura beaucoup contribué à la création du Comité de l’Unité togolaise (CUT) par le Gouverneur Lucien Michel Montagné, alors Administrateur supérieur du Togo. Riche négociant et très influent, Augustino Ezéchiel de Souza en avait été d’abord Trésorier général puis le premier Président général jusqu’à la transformation plus tard de ladite association en parti politique pour combattre la domination française sur les populations togolaises.
Pa Augustino Ezéchiel de Souza « Gazozo » avait été par ailleurs, l’un des rares soutiens actifs au Togo français de la direction Anlo de l’All Ewe Conference de Daniel Chapman qui avait ses quartiers au Ghana. Porté à la tête du Comité de l’Unité Togolaise, il en était par son immense fortune, le garant moral et le bras financier. Le riche commerçant planteur a été témoin oculaire du triomphe des partis nationalistes lors des élections/référendum du dimanche 27 avril 1958 organisées sous l’égide des Nations Unies. Agé de 83 ans, il meurt le 25 avril 1960, soit exactement deux jours avant la proclamation officielle de l’Ablodé (Indépendance).
Pour ne pas semer le désarroi au sein de l’opinion, en évitant la mise en berne du nouveau drapeau national, la nouvelle de la mort du grand argentier de la lutte anticoloniale togolaise ne sera rendu publique qu’après la tenue des festivités de la proclamation de l’indépendance togolaise. Les funérailles de Pa Augustino Ezéchiel de Souza « Gazozo » se sont déroulées devant une immense foule, à cause justement de l’importante contribution qui fut la sienne au combat pour l’émancipation du vaillant peuple togolais.
L’ancien président du Conseil des Notables et Grand officier de l’Ordre du Mono, était aussi détenteur d’un riche patrimoine immobilier dont le building situé sur l’ancienne Avenue des Alliés (Avenue de Sarakawa) en face de l’ancienne Sanoussi et séparé par une petite rue de l’ancienne Place Fréau Jardin (Place Anani Santos) qui fut tour à tour un hôtel privé, le siège de la Mairie de Lomé, puis le Centre Culturel Français (CCF) de janvier 1963 jusqu’à une époque récente.
Des obsèques grandioses furent organisées le 21 mai 1960 en son honneur à Lomé. Une cérémonie à laquelle prirent part une immense foule au sein de laquelle de nombreuses délégations extérieures dont le Cardinal Maury assisté des évêques Joseph Strebler et John Aggey, sans oublier des pasteurs de l’Eglise évangélique.
« Sans la contribution du vénérable Souza dès le début de la lutte pour l’indépendance, le Togo n’aurait jamais pu arracher l’indépendance…», avait témoigné le Premier Sylvanus Olympio avant l’inhumation du vieux patriarche dans un mausolée érigé dans un de ses domaines situé près des anciens locaux des ambassades de l’ex-URSS et de l’Egypte, en bordure de mer à Lomé.
La mémoire du Garant moral de la lutte pour l’indépendance du Togo reste toujours vivace dans les mémoires et se raconte toujours en guise de légende. Ainsi, en cette occasion du retour de la date du décès de cette éminente personnalité qui couple avec les soixante-quatre ans de l’accession du Togo à la souveraineté internationale, toute la génération présente doit se remettre en question et se demander ce qu’elle a fait de l’héritage laissée par les aînés. La mémoire de Pa Augustino Ezéchiel de Souza mérite d’être racontée par les historiens qui peuvent lui consacrer un ouvrage. Grande figure politique togolaise, il en a animé une tranche fort cruciale de son histoire.
Par AKAKPO Adjovi Georgeseline
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