« La connaissance du passé national permet au citoyen de mieux se situer dans le temps et dans l’espace, dans l’histoire de l’humanité en marche vers un avenir meilleur et de mieux prendre conscience de ses responsabilités. Ainsi, par exemple lorsque le citoyen togolais saura apprécier les sacrifices consentis par ses prédécesseurs pour allumer le flambeau de l’indépendance, peut-être s’évertuerait-il davantage à le sauvegarder. » Hermann ATTIGNON
Sylvanus OLYMPIO est le plus connu de nos héros Nationaux, il est l’incarnation des aspirations profondes du peuple togolais dans sa quête vers l’ablodé. Cependant, le citoyen lambda togolais connait peu de choses sur cet illustre personnage de l’histoire de notre jeune nation. On sait pour la plupart du temps qu’il a été le premier président du Togo, qu’il a prononcé le discours de l’indépendance et cette fameuse phrase « Sentinelle que dis-tu de la nuit ? La nuit est longue mais le jour vient. » est- ce une volonté politique ? Y a-t-il des raisons masquées pour lesquelles on fait peu souvent référence à lui que ce soit à l’école ou dans l’arène politique togolaise. Pourtant il devrait être la boussole qui nous guide dans la construction de notre Denyigban. C’est un truisme que de le dire. On devrait à juste titre épouser sa vision du Togo dont il avait déjà commencé à poser les jalons avant ce jour funeste du 13 janvier 1963. Notre objectif dans la rédaction de cet article est de faire une présentation assez sommaire d’un homme qui aura consacré sa vie pour le Togo et ce dans tous les sens du terme et de stimuler en vous cher lecteur ou chère lectrice une envie vorace de vouloir en savoir plus sur lui.
Sa Biographie
Sylvanus Kwami Epiphanio OLYMPIO vint au monde le 06 septembre 1902, à Kpando . Ce fut un samedi, car, selon la culture akan/éwé, kwami est le prénom que doit porter un garçon né un samedi. Or, qui dit Kpando qui faisait partie à l’époque partie intégrante du protectorat allemand du Togo dit milieu éwé par excellence. Le prénom Sylvanus dérive, fort vraisemblablement de Sylva : deuxième prénom de son grand- père paternel Francisco Sylva Olympio (1833-1907), et Epiphanio n’est autre que celui de son père Epiphanio Elpidio Olympio (1873-1969). Maman Fidélia Afe , la mère de Sylvanus Olympio fut de l’ethnie Mamproussi de la région de Dapaong. Sylvanus Olympio était l’ainé d’une famille d’une trentaine d’enfants.
Né d’un père et d’un grand -père paternels lettrés, il va de soi qu’il fit des études. Il fréquenta l’école de la mission catholique allemande de Lomé, puis l’école secondaire anglaise. Selon le témoignage du muséologue Hubert KPONTON, il obtient les meilleures notes de tout le territoire à l’examen du certificat d’étude primaires. En 1920, Sylvanus Olympio quitte le TOGO pour poursuivre ses études à Londres où il obtient la London Matriculation (l’équivalent du baccalauréat français) puis un diplôme en économie politique en 1926 à la London School of Economics. Après les études en économie il s’adonne à l’étude du droit international à Dijon et à Vienne. L’historien Atsutsè Kokouvi Joachim AGBODJI écrira ; « On ne lui connait guère d’aventures amoureuses. Il a probablement reçu de son père redoutable des consignes fermes (…) pour les hommes de la génération d’Epiphanio la femme et le plaisir viennent automatiquement avec la réussite sociale et la richesse »
En 1927, à la sortie de ses études, il est recruté à la Lever Brothers Company à Londres, en 1928 il rentre en Afrique où il est affecté comme adjoint à l’agent général de la compagnie Unilever à Lagos avant d’être muté comme chef de la société à Ho, la plus grande agglomération commerciale au Togo sous-mandat britannique. Il acquiert la réputation d’un chef à la tache exigeant pour lui-même et pour ses collaborateurs , allergique à la médiocrité .
En 1930, il épouse une mulâtresse Adzou Dina Grunitzky (sœur ainée de mère différente de Nicolas Ador Grunitzky) fille d’un officier allemand d’ascendance polonaise et d’une mère Awlan de Kéta (Ghana) née AMEGANSHIE, de cette union naitront trois garçons et deux filles dans l’ordre suivant Kwami Herbet Bonito (décédé le 25aout 1994), Ablavi Rosita, Kwami Gilchrist Sylvanus, Ayaba Sylvana et Kodzo Elpidio Fernando. Dans une volonté des autorités françaises de l’éloigner du territoire togolais, on va lui proposer un poste de directeur de l’Unilever France dans un quartier on ne peut plus chic de la capitale. Mais l’homme concerné était trop intelligent pour ne pas saisir immédiatement l’enjeu réel que recelait une telle proposition. Il accepta dans un premier temps et on le logea comme promis à Neuilly. Mais certaines offres lui paraissaient douteuses par exemple une croisière avec toute sa famille. Il donnera sa démission trois mois après son arrivée à Paris.
Sylvanus OLYMPIO, un homme au destin hors du commun
En 1936,1938 et 1941, Sylvanus OLYMPIO accepte d’être respectivement vice-président du cercle des amitiés françaises, conseiller technique auprès des notables de Lomé, et membre du CUT. Sa carrière politique démarre donc à partir du début de la décennie trente. Il sera arrêté par le pétainiste en novembre 1942. Il sera déporté à la célèbre prison de Sansané-mango puis transféré à Djougou (Nord-Dahomey) pendant treize mois. Sylvanus Olympio fut le premier vice-président du CUT, il était le véritable leader cette formation politique qui réclamait l’immédiateté de l’indépendance. Cependant, l’évènement politique qui allait définitivement révéler l’homme et qui allait incarner et conduire la fantastique épopée du combat indépendantiste du peuple togolais s’appela « La conférence locale de Lomé » du 11 au 12 mai 1945 organisé suite à la conférence de Brazzaville de 1944 du hautain général De Gaulle. Slvanus Olympio dira : « nous voulons rester Togolais et nous ne voulons pas avoir le statut d’européen ». Il protesta avec vigueur contre la suppression des langues indigènes dans les écoles préconisées à Brazzaville « Nous avons une histoire, il y’a donc un intérêt pour nos enfants d’apprendre leur langue … je demande même que les administrateurs apprennent les langues indigènes » s’exclama-t-il. Le rôle central qu’aura joué Sylvanus Olympio dans la lutte pour l’indépendance n’est pas à démontrer, les actes qu’il aura posés sont répertoriés dans leurs exactitudes dans les œuvres de l’historien Godwin Tété, nous n’allons bien évidemment pas pouvoir tout consigner ici. La période 1958-1963 qui sont des moments charnières de l’histoire de notre jeune nation et aussi les dernières années de Sylvanus Olympio sur terre . Comme vous le savez les élections- référendums du 27 avril 1958 ont été remporté par le CUT mais notre père de la nation ne participait pas aux élections en raison d’une condamnation judiciaire dont il était politiquement victime pour avoir possédé un compte bancaire en GOLD COAST illégalement, prétendait l’administration coloniale française. Cependant dans la nuit du 27 au 28 avril, le commissaire onusien Max H. Dorsinville arrange une rencontre entre le gouverneur français de l’époque et le leader incontesté du CUT. Mais le gouverneur français ne croit pas devoir nommer Sylvanus Olympio premier ministre, il va successivement proposer la primature à Mama Fousséni , Paulain Akouété, Jonathan Savi de Tové, Ignacio Santos mais eux tous vont décliner l’offre , c’est alors à contre- cœur que le dernier gouverneur français au Togo va amnistier et nommer Sylvanus Olympio premier ministre. Ainsi, le père de l’ablodé va présider aux destinées de notre jeune nation à ses premiers balbutiements. Il proclame l’indépendance le 27 avril 1960, durant sa gestion du pays il mène une véritable politique d’austérité avec une rigueur dans la gestion de l’argent de l’Etat étant lui-même ministre de l’économie faisant que dès 1960 le Togo jouissait d’un budget équilibré sans subvention contrairement à celui qu’il avait trouvé en 1958 qui était largement déficitaire. Joseph Boevi dira de lui que c’est le Chef d’Etat qui a coûté le moins cher au budget national depuis que la nation togolaise existe. Sylvanus Olympio est mort lâchement assassiné au petit matin du dimanche 13 janvier dans l’ambassade des Etats-Unis au Togo par une poignée de mercenaires rescapés des guerres coloniales françaises en mal d’argent qui ont été instrumentalisés pour éliminer un authentique patriote africain qui voulait doter son pays de sa propre monnaie. Son bas ventre fut broyé par une rafale de mitraillette, l’assassin lui sectionna au couteau les veines des poignets. Quelle cruauté, quelle ignominie ! …Jusqu’aujourd’hui la lumière n’a pas encore été faite sur cet assassinat à la suite de l’un des tous premiers coups d’état militaires en Afrique après les indépendances. Sylvanus Olympio est enterré au bénin.
Cet article c’est aussi un cri de cœur, un appel au retour de sa dépouille sur la terre de nos aïeux afin que des funérailles et des hommages nationaux dignes de ce nom lui soient rendus, que dans les rues et les maisons du Togo, il soit célébré. Il mérite des écrits, des poèmes, des chants à son effigie, qu’on conte sa légende à chaque petit garçon et petite fille du Togo. Qu’il soit enfin érigé et consacré comme père de la nation togolaise, car il est pour le Togo ce que Atatürk est pour la Turquie, les Pères fondateurs pour les Etats-Unis, Mao Zedong pour la république populaire de chine etc.,
« Le devoir de mémoire n’invite pas à une contemplation béate d’évènements passés mais plutôt à un devoir d’engagement actif et volontaire dans le présent » Dr Albert D. FRANKLIN.
Par WENU Kodjo Jean-Marie
REFERENCES
Histoire du Togo , la quête palpitante de l’ablodé de Godwin TETE
Régime et l’assassinat de Sylvanus Olympio du même auteur
Sylvanus Olympio père de la nation togolaise du même auteur
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