On ne peut parler de la lutte pour l’indépendance du Togo sans accorder une place prépondérante à ces dames, véritables icones togolaises. D’origine souvent modeste, ces femmes ont su braver vent et tempête pour s’imposer comme des femmes d’affaires incontestées du monde des affaires au Togo, et plus généralement dans la sous-région ouest africaine. Leur immense fortune et leur influence, elles l’ont mise au service de la classe politique lors de la lutte pour l’accession du Togo à l’indépendance.
ORIGINES
Vers la fin des années 1800, des commerçants hollandais ont commencé par commercialiser des pagnes, imprimés en Hollande, au Ghana. Durant presque un siècle, ce commerce a fait la pluie et le beau temps de l’économie ghanéenne en gagnant un marché qui s’est étendu partout en Afrique de l’ouest. Cependant, l’accession à l’indépendance du Ghana va chambouler ce commerce. L’arrivée au pouvoir de Kwame Nkrumah va apporter des changements significatifs sur ce marché. Le président nouvellement élu, soucieux de développer l’économie nationale, instaure des droits de douane prohibitifs sur l’importation des pagnes wax, et fait construire une immense usine textile. Malheureusement, l’initiative se révèle être un échec. C’est dans ce contexte que des femmes togolaises flairent le bon filon et décident de prendre la relève. Environ une vingtaine, elles ont décidé de contourner le circuit habituel d’importation et remontent jusqu’à la source de la production en évitant tous les intermédiaires. Se révélant être de véritables expertes en négoce international, elles ont acquis un grand monopole sur l’importation de ces pagnes en Afrique de l’Ouest. Installant leurs boutiques au grand marché de Lomé, poumon économique du pays, elles ont créé un immense circuit commercial, faisant des pagnes wax un indispensable dans la vie de tous les togolais.
En ce qui concerne leur surnom de Nana Benz, elles le tiennent de la combinaison de deux mots. Nana, qui veut dire en mina Mère ou grand-mère. Le terme de Benz quant à lui vient du fait que ces femmes avaient pour habitude de circuler dans des Mercedes Benz.
Pendant les années 1960 à 1980, les Nanas Benz deviennent les premières femmes millionnaires et même milliardaires de l’Afrique de l’Ouest. Bien que souvent analphabètes, ces femmes ont donné au monde une véritable leçon de gestion et de marketing, leur permettant d’amasser des fortunes colossales et d’asseoir une grande influence qu’elles mettront au service de la classe politique.
ROLE DANS LA LUTTE POUR L’INDEPENDANCE
Pendant la lutte pour l’indépendance, nombre d’acteurs politiques, issus de la classe politique, avaient besoin de moyens financiers afin de poursuivre leurs études et pour financer les actions de leurs partis politiques. Ils se tourneront bien évidemment vers les Nanas Benz. Face à la sollicitation de ces acteurs politiques, elles n’hésiteront pas une minute à venir en aide à ces jeunes politiciens. D’une part, elles financeront les études en France et aux USA des jeunes engagés politiquement. Par ailleurs, elles financeront le déplacement des responsables politiques lors des conférences et négociations qui aboutiront à l’indépendance du Togo.
QUELQUES NOMS DE NANA BENZ
Pour finir, ceci est l’occasion de mentionner certaines de ces grandes dames, ces matriarches qui représentent pour nous des sources d’inspiration. On peut citer quelques pionnières emblématiques telles qu’Eunice Adabunu, née en 1919, à laquelle le magazine américain Ebony consacra un article en 1963. On y apprend qu’elle débuta à 11 ans en vendant des beignets, du sucre et des perles. À 47 ans, dont vingt-trois passés dans le commerce, sa fortune lui a permis d’être un des membres influents et un des bras financiers du parti nationaliste, le Comité de l’Unité Togolaise, de Sylvanus Olympio (Anonyme, 1963, p. 44) quand celui-ci, ancien directeur de l’UAC, se lança dans la lutte pour la décolonisation.
Patience Sanvee, née en 1928 (décédée en août 2004), une autre célébrité, d’une dizaine d’années la cadette de la précédente, débuta à l’âge de 8 ans en vendant cigarettes et parfums dans la rue avant de devenir le « Market Woman Phenomenon ». Dédé Rose Creppy, une autre pionnière, née en 1935, qui, avec ses compagnes, posaient ici même les premiers jalons d’un gigantesque empire commercial il y a quatre décennies. Des noms comme Laura Doe Bruce, Julie Bocco, Nadou Lawson, Ayélé Santana, Manavi Sewoa Ahiankpor font partie de cette première génération de Nana Benz, figures historiques incontournables.
Par MAHOUTO Kodjo Moïse Rudy
Références :
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